Test de Fallen Legion: Rise to Glory

Ce n'est pas tous les jours qu'on a l'occasion de parler d'un jeu indonésien, donc ne boudons pas notre chance ! Le bébé de Yummy Yummy Tummy, Fallen Legion, arrive sur Nintendo Switch dans une version compilant les deux épisodes sortis sur PlayStation 4 et PlayStation Vita.

Petit préambule pour ceux qui se diraient “Fallen Legion… Ce nom me dit quelque chose, mais quoi ?”. La licence est déjà disponible de longue date sur PlayStation Vita, PlayStation 4 et même PC. L’originalité de la version Switch que nous avons testée et qui est sortie le 1er juin dernier est qu’elle propose en fait une compilation de deux épisodes de la saga, Sins of an Empire d’un côté et Flames of Rebellion de l’autre. Le gameplay est identique, seule l’histoire change : vous incarnez l’un ou l’autre camp d’une guerre de succession, un peu à la manière de ce que la saga Fire Emblem a pu proposer dernièrement.

Un empire, deux voies

Depuis fort longtemps, les développeurs de RPG sont à la recherche d’une solution à un problème qui les hante depuis des années : comment créer un système de combat au tour par tour qui transporte totalement le joueur et l’implique à chaque instant ? Et c’est bien parce qu’il tente de proposer une réponse originale à ce problème épineux que nous nous sommes penchés sur le cas de ce Fallen Legion: Rise to Glory. En effet, ce jeu qui ne semble être qu’un jeu de rôle à défilement latéral comme on en a déjà vu plein propose un récit écrit avec soin, qui essaye de capter l’attention du joueur en lui proposant à longueur d’aventure des choix qui, s’ils n’ont pas d’incidence réelle sur l’histoire du jeu, lui permettront d’améliorer son équipe et leurs statistiques. Principale originalité du jeu : le système de combat au tour par tour n’est pas basé sur la simple gestion d’une barre d’ATB, non : il propose aux joueurs de se baser uniquement sur leur sens du timing, dans des combats qui sont extrêmement focalisés sur la lecture des actions de vos adversaires et dans lesquels vous devrez être bien moins passifs que devant un Final Fantasy.

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Au début du jeu, vous choisissez l'un des deux généraux, la princesse Cecille ou le légat Laendur, qui se disputent le trône récemment libéré dans le pays imaginaire de Fenumia : bon, au début du jeu, vous ne vous doutez de rien, puisque les deux personnages apparaissent côte-à-côte dans quelques cinématiques, mais vu que c’est le coeur de l’histoire, on peut espérer que vous nous passerez ce petit spoiler. Les deux héros parcourent le champ de bataille en compagnie de trois champions fantômes, les Exemplars, qui encaissent les coups et font le gros du sale boulot pendant que leur chef reste bien tranquille derrière les lignes à accumuler de la mana pour lancer des sorts de dégâts ou de soin. Chacun de ces guerriers spectraux a ses propres qualités d'attaque et de défense, ainsi que sa propre histoire et sa propre inspiration (vous vous retrouvez à manier un archer baptisé Apollo par exemple), ce qui ouvre la porte à une gestion stratégique très fine de votre équipe, le placement des vos Exemplars les plus solides en première ligne pour protéger les DPS les plus fragiles étant rapidement vital, même si vous pouvez toujours réorganiser votre équipe en plein combat avec la touche ZL.

Une armée fantôme à votre service

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Vous contrôlez vos serviteurs en appuyant sur le bouton qui leur est assigné - Y, B ou A, X étant réservé à votre personnage - et les séries d’attaques peuvent être préenregistrées en les mettant en file d'attente dans une barre de combo qui apparaît en bas de l’écran. Attention cependant : vos combos (ici appelés chaînes) peuvent être interrompus par n'importe quelle attaque ennemie. Heureusement, vous pouvez préserver votre chaîne en appuyant sur le bouton L au bon moment pour bloquer parfaitement leur attaque, mais votre sens du timing doit être précis, car la garde n’est pas absolue : si deux monstres vous attaquent à moins d’une seconde d’intervalle, vous devrez lever votre garde deux fois de suite au bon moment, il ne suffira pas de parer le premier et de garder votre garde active. Vous avez aussi à votre disposition des attaques spéciales qui peuvent être débloquées par plusieurs conditions, comme par exemple réussir un bloc parfait ou alors le fait qu’un Exemplar ait ses trois points d’attaque disponibles, vous permettant d’utiliser sa super attaque avec la touche ZR. Cependant, cela pose rapidement un autre problème : le manque global de lisibilité de l’action à l’écran. Parer les attaques de monstres cachés derrière d’autres monstres, alors que l’écran tremble sous l’effet des attaques d’un autre et que vous l’avez vous-même rempli de flammes avec les compétences de l’un de vos Exemplars tient vite de la gageure ou des réflexes surhumains.

OK, on voit déjà des regards médusés ou complètement perdus. Avant de fermer la page et de passer à un autre article, rassurez-vous : on a été tout aussi perdu au début de notre partie. Le jeu a sans doute un des plus mauvais tutoriels qu’on a pu voir pour un gameplay proposant une telle finesse et nécessitant une réactivité de chaque instant. La phase d’apprentissage est quasiment inexistante : un texte vous explique ce que vous pouvez théoriquement faire, mais on vous demande de le mettre en pratique directement sur des groupes de quatre ou cinq monstres, ce qui ne vous laisse malheureusement pas le temps de mettre en pratique ni d'assimiler correctement les techniques pourtant vitales à votre survie au cours du reste de votre aventure. Résultat, vous vous retrouvez très rapidement à spammer les boutons comme un idiot, au lieu d’utiliser toutes les subtilités du jeu, ce qui est quand même un peu triste.

Il tape sur des boutons et c'est le numéro un

Sauf que cela ne marche qu’un temps et quand vous vous frottez aux premiers vrais boss du jeu, vous prendrez quelques fessées monumentales ; c’est là que vous vous rendez compte de la faiblesse des tutoriels du jeu. On a littéralement été obligé d’aller voir des vidéos sur la toile pour enfin comprendre comment on était vraiment censé jouer au jeu… Et pour le coup, on ne peut que remercier les joueurs qui se sont dévoués pour débroussailler le jeu sur les autres plateformes.

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On pourrait croire que le jeu vous permettrait d’ailleurs de faire comme tout bon RPG qui se respecte si vous bloquez à un endroit ou un autre : vous prenez le temps de rejouer un niveau en boucle pour monter en expérience et faire en sorte d’aller poutrer le boss avec votre équipe renforcée. Sauf que… Si effectivement la composition de votre équipe peut se rapprocher d’un aspect RPG en vous permettant de choisir votre stratégie et d’influencer votre style de jeu et si les Exemplars apprennent des compétences et évoluent, tout le reste semble généré aléatoirement (comme par exemple les gemmes que vous pouvez récupérer) et, pire encore, vous n’avez pas de système d’expérience à proprement parler : si vous bloquez à un endroit, vous devrez vous en remettre au die and retry, le jeu n’offre aucune mécanique pour essayer de compenser votre manque inné de skill.

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Le jeu prend rapidement des allures de jeu de rythme ou même de jeu de combat, puisque vous basez vos actions sur le rythme de l’enchaînement parade/contre-attaque pour optimiser vos chaines et vos dégâts et c’est malgré tout une expérience sympathique une fois que vous savez par quel bout la prendre. Malheureusement, une autre limite apparaît rapidement : malgré la variété des Exemplars, le jeu devient rapidement répétitif et ne vous donne guère de raisons de changer une équipe qui gagne. D’ailleurs, en y réfléchissant, la principale raison de cette lassitude vous surprendra peut-être : vous n’avez strictement rien d’autre à faire que de combattre. Pas d’exploration, pas de combat surprise, pas de trésor caché : juste des scénarios avec des combats à la chaîne, entrecoupés d’écrans de choix qui n’ont que peu d’effets sur le jeu en lui-même, si ce n’est les récompenses que vous obtenez en les faisant. Dans Fallen Legion, vous allez d’un point à un autre, vous y tuez les ennemis et vous passez au suivant après une cinématique. C’est viable, mais quand le jeu consiste à vous faire faire la même chose pendant pas loin de 40 heures pour finir les deux campagnes… C’est très vite rébarbatif.

Des choix inutiles ?

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Le fait que le jeu soit monté sur rail n’aide d’ailleurs pas vraiment à comprendre l’histoire, paradoxalement. Le rythme haché et le fait que la plupart des séquences liées à l’histoire se résument à des enchaînements de longs dialogues sans réel doublage ne vous permet pas de vous imprégner des tenants et aboutissants de l’action et vous vous retrouvez dans un rôle bien plus passif que vous ne le souhaiteriez. C’est dommage, car à y regarder de plus près, les dialogues sont bien écrits et on sent une réelle richesse dans le travail sur les intrigues politiques. Autre particularité, le jeu n’est pas manichéen (aucune des deux histoires parallèles n’est présentée comme étant la bonne ou la mauvaise) et ne vous présente pas comme un preu chevalier bouffi de vertu défendant la veuve et l’orphelin : non, une guerre de succession n’est jamais propre et vous devrez faire des trucs plus que douteux pour arriver à vos fins, parce que vos adversaires, eux, n’hésiteront pas à prendre les décisions que votre moralité vous fera remettre en question et que chaque décision a son importance.

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Le jeu vous proposera par exemple de décider ce que vous voulez faire d’un espion capturé : vous pouvez l’interroger, vous pouvez l’emprisonner, vous pouvez le mettre à mort. Votre décision aura deux conséquences : la première sur le moral de votre peuple ou votre renommée à travers votre empire, la seconde sera de vous donner un bonus pour le scénario en cours. Dans l’idée, c’est plutôt sympathique, car vous pouvez vraiment jouer à fond votre rôle d’empereur, sauf que dans les faits, vous vous retrouverez à prendre par défaut la décision qui vous donnera le bonus le plus avantageux… Autre point regrettable de ce système : on vous proposera plusieurs fois de choisir de soutenir tel ou tel prince ou telle ou telle famille, sans que vous ayez vraiment conscience de qui est qui ou de qui soutient qui. En effet, seuls les écrans de chargement aux textes aléatoires vous donnent un semblant d’information sur le sujet et on pense ne pas être les seuls à ne pas forcément prêter attention aux écrans de chargements en jeu depuis facilement 15 ans.

Crache ton grimoire, Myrhdin

Fallen Legion: Rise to Glory est un action-RPG avec un système de combat rapide, intense et prenant, basé sur votre sens du timing et qui bénéficie de dialogues bien écrits. Cependant, le jeu n’est clairement pas facile à prendre en main et devient très rapidement répétitif voire lassant tant dans son gameplay que sa narration, notamment car il repose sur la possibilité de jouer de manière totalement similaire deux pans d’une même histoire.

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Le jeu a au moins pour lui de tenter quelque chose de nouveau et de sortir des sentiers battus. On s’attendait peut-être d’ailleurs même un peu trop à trouver un jeu unique qui pourrait valoir la peine d’être testé par des joueurs en quête de nouvelles sensations. Grande fut notre erreur. Au final, au lieu d’avoir une petite perle sur console, on a plus l’impression d’avoir un jeu qui serait idéal sur téléphone portable, avec un système d’énergie qui éviterait au joueur l’overdose de répéter encore et encore les mêmes actions pendant 30 à 40h d’affilée.

Si vous y avez joué sur les autres plateformes, est-ce que cela vaut la peine de le prendre sur Switch ? Franchement, on vous dira que non. Pourquoi voudriez-vous être assez fou pour le refaire ? Le principal apport proposé par cette version Switch est de rajouter les voix japonaises (ou comment rajouter un degré d’incompréhension à l’histoire), sans pour autant rajouter de localisation française. Le seul intérêt pourrait être de découvrir l’un ou l’autre des pans de l’histoire en fonction du volet auquel vous avez joué, mais bon, comment le dire en restant politiquement correct… Vous savez aussi bien que nous, si vous possédez une Switch, que vous aurez la possibilité d’y jouer sur PC pour trois francs six sous avant que Nintendo ne baisse son prix de ne serait-ce que 5%.

Test réalisé par Myrhdin à partir d'une version fournie par l'éditeur.

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Plateformes Nintendo Switch
Genres Action-RPG, fantasy, médiéval

Sortie 1 juin 2018 (Europe) (Nintendo Switch)

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