Jeu violent : l'industrie américaine du jeu finalement reçue par Donald Trump

Le 14 février, la fusillade du lycée de Parkland faisait 17 victimes et la responsabilité des jeux vidéo violents étaient mises en cause par l'administration Donald Trump. Le président américain recevait hier les représentants de l'industrie américaine du jeu vidéo.

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Le 14 février dernier, une fusillade au sein du lycée de Parkland (initiée par un ancien élève armé d'un fusil semi-automatique) faisait 17 victimes parmi les élèves et éducateurs de l'établissement scolaire. L'événement suscitait évidemment une vague d'indignation aux États-Unis mais relançait aussi un débat récurrent sur la façon de lutter contre ces tueries de masse -- et donc sur le sens du 2e amendement de la Constitution américaine qui octroie à tout citoyen américain le droit de porter des armes à feu (et permet donc à un jeune de 18 ans d'acheter et porter légalement une arme à feu, quand ce même jeune ne sera pas encore en âge d'acheter de l'alcool, d'accéder à des contenus pornographiques ou même jouer à des jeux d'argent).

Pour autant, si la problématique de la vente libre d'armes à feu mériterait sans doute d'être soulevée dans de tels cas, les autorités américaines sont traditionnellement enclines à l'ignorer (notamment sous l'impulsion de la très puissante NRA, ce lobby qui défend l'industrie des armes à feu aux Etats-Unis) et à se concentrer sur d'autres responsables et notamment à mettre en cause les jeux vidéo violents, qui encourageraient les passages à l'acte des meurtriers de masse.
La pratique n'est pas neuve puisque dès le début des années 1990, les jeux violents ont été la cible des élus américains (notamment le premier Mortal Kombat, à l'époque) et plus encore à la suite de tueries de masse (comme celle de Columbine, en 1999, ayant donné lieu à des tentatives de poursuites, infructueuses, contre plusieurs éditeurs de jeux). La fusillade du lycée de Parkland ne fait néanmoins pas exception et le président Donald Trump annonçait rapidement après les événements avoir convoqué les représentants de l'industrie du jeu américaine (mais sans les en avoir averti) afin de prendre de mesures pour lutter contre les jeux violents.

L'industrie du jeu mise en accusation

La fameuse réunion s'est finalement tenue hier jeudi à la Maison blanche, à huis-clos et sans la presse, mais si l'on en croit les premiers échos rapportés par les participants, il n'en est manifestement pas ressorti grand-chose, si ce n'est la mise en scène de Donald Trump.
Le président américain était ainsi accompagné de représentants conservateurs (manifestement peu impliqués dans le milieu du jeu vidéo), parmi lesquels Melissa Henson, membre du Parents TV Council qui oeuvre pour la protection des enfants et des familles contre la violence et le sexe dans les médias ; le Lt. Col Dave Grossman qui enseigne des techniques de tactiques militaires aux forces de polices (et qui s'était illustré en soulignant que le rôle de ses élèves est « de tuer les fils de putes qui veulent s'en prendre à nos enfants ») et auteur de l'essai à charge Assassination Generation : Video Games, Aggression, and the Psychology of Killing ou encore Brent Bozell, président du Media Research Center et qui milite contre les comportements anti-chrétiens.

Les représentants de l'industrie (Mike Gallagher, le président de l'ESA et Patricia Vance en charge du comité de régulation, aux côtés de Strauss Zelnick et Robert Altman, respectivement CEO de Rockstar Games et de Zenimax) ont ainsi été accueillis avec une bande-annonce illustrant la violence présente dans les jeux et devant mettre les représentants de l'industrie du jeu face à leurs responsabilités -- et force est de reconnaitre que le montage (issu de jeux déconseillés aux joueurs de moins de 18 ans) est plutôt « frappant ».
La vidéo (visible par ici mais réservée à un public averti) a ensuite été diffusée sur YouTube par la Maison Blanche, avant d'être supprimée sur réseau social dans la mesure où elle ne mentionnait aucune mention de limite d'âge ou de droits d'auteur des éditeurs ou youtubers apparaissant dans le montage.

Maintien du statu quo

Au-delà de l'image, que retenir de cette rencontre ? Selon le communiqué de la Maison Blanche, la « conversation s'est focalisée sur le fait de déterminer si les jeux vidéo violents, dont ceux qui simulent de façon réaliste le fait de tuer, contribuent à désensibiliser notre communauté à la violence ».
Pour autant, manifestement, l'administration Trump n'entend pas légiférer ou imposer de nouvelles mesures coercitives à l'encontre de l'industrie du jeu, mais plutôt encourager les développeurs « à explorer les choses qu'ils peuvent faire eux-mêmes pour rendre les choses plus saines dans la société ». Selon Brent Bozell qui se confie à The Verge, les jeux contiennent « une violence inouïe, nous pouvons tous le constater ». Et de s'interroger : « est-ce approprié dans un monde civilisé ? Ou l'industrie du jeu pourrait-elle écouter la meilleure part de sa nature et se dire, sur une base volontaire, qu'elle ne souhaite pas contribuer [à cette violence] ? » En d'autres termes, il revient à l'industrie du jeu de s'auto-responsabiliser... comme elle le fait déjà partiellement en ayant mis en place ses propres systèmes d'autorégulation (l'ESRB aux États-Unis ou PEGI en Europe).

De son côté, l'industrie du jeu fait état d'échanges plutôt sobres, indiquant par voie de communiqué avoir « discuté des nombreuses études scientifiques établissant qu'il n'y a pas de liens entre les jeux vidéo et la violence [faisant écho notamment aux nombreuses études publiées depuis les événements de Colombine], du Premier amendement protégeant les jeux vidéo [considérés comme des médias et bénéficiant donc des principes de liberté d'expression posés par le Premier amendement de la constitution américaine] et de la façon dont l'industrie a déjà établi un système de classification des jeux qui aident efficacement les parents à choisir les jeux en étant informés ».

Le jeu vidéo, mais aussi le cinéma ou la télévision

Si cette « réunion au sommet » semble donc davantage acter le statu quo que proposer de nouvelles mesures, le porte-parole de la Maison Blanche dont les propos sont rapportés par le Washington Post évoque d'autres réunions similaires à l'avenir ou encore le financement de nouvelles études permettant d'établir (ou non) la corrélation entre les jeux vidéo violents et les tueries de masse.
Les parlementaires américains, dont certains étaient aussi conviés à la Maison Blanche ce jeudi, estiment également que la problématique ne devrait pas se limiter aux seuls jeux vidéo, mais aborder aussi d'autres formes de médias et que des discussions similaires pourraient être engagées avec les représentants de l'industrie du cinéma (où la violence est tout aussi présente) et de la télévision.

Parallèlement, le congrès américain doit voter la semaine prochaine un nouveau texte sur la « sécurité à l'école », allouant notamment un budget de 50 millions de dollars à la formation des enseignants aux situations d'urgence (sans lien, manifestement, avec la proposition du président Trump d'armer les professeurs pour riposter à une éventuelle fusillade) ou à l'installation de portes sécurisées dans les établissements scolaires -- mais n'intégrant toujours aucune mesure sur le contrôle des armes à feu aux États-Unis.

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