Retour sur le WG Fest : bons baisers de Russie

Myrhdin revient pour vous sur son expérience à la première convention organisée pour les fans des jeux de Wargaming à Moscou le 17 décembre dernier. Voyage vers la Place Rouge, au milieu des canons (de chars ou de destroyers, petits coquins).

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Il est extrêmement rare que je m'autorise à écrire à la première personne sur JOL, mais une fois n'est pas coutume, je vais faire une petite exception. Pourquoi ? C'est ma foi fort simple : je n'ai à proprement parler pas vraiment d'informations à relayer, car cette convention a été ma foi fort pauvre en annonces qui n'aient pas déjà faites (et couvertes sur JOL) ou en nouvelles qui n'aient pas déjà été communiquées en amont de la convention. De plus, pour un site comme JeuxOnLine, avoir l'ensemble des informations diffusées en direct sur Facebook ou sur Twitch n'aide pas : écrire des nouvelles réchauffées n'est pas des plus agréables ou des plus enthousiasmants.

Alors, me direz-vous, pourquoi tu nous fais suer à publier malgré tout un pavé ? Parce qu'il est intéressant pour un oeil avisé de voir comment Wargaming s'en est tiré pour sa première convention de fans des World of. C'est toujours un évènement majeur pour un développeur, aussi riche et puissant soit-il, car le moindre faux pas peut avoir des répercussions colossales.

Vous voulez plonger avec moi dans une convention dont je vous assure qu'elle est aux antipodes de ce que vous pouvez imaginer ? Suivez le guide.

Une invasion biélorusse à Moscou

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Wargaming est devenu en quelques années une institution en Russie et en CEI, la communauté des états ayant acquis leur indépendance suite à la chute du régime soviétique. Il faut dire que leur jeu phare, World of Tanks, rassemble pas moins de 110 millions de joueurs dans le monde, ce qui est colossal pour un jeu à client, et qu'une énorme majorité d'entre eux joue depuis un des anciens pays du bloc soviétique. On sait tous que le jeu est extrêmement populaire à l'est, on en veut pour preuve que les deux équipes qui s'affronteraient dans la finale du tournoi international de World of Tanks organisé sur ce festival seraient originaires de pays de l'Est, mais une anecdote montre bien à quel point on est encore loin de la réalité.

La Russie ne faisant pas de partie des accords de Schengen, le reporter en visite doit donc montrer patte blanche sans trop de cocaine dessus, un visa en bonne et due forme et passer sous l'oeil scrutateur d'un ou d'une fonctionnaire des douanes russes à la mine patibulaire et dont on sent bien que le travail lui procure une intense joie de vivre. Pour toi, jeune journaliste francophone, pas un regard, pas un bonjour, pas un autre mot que le "Signature" à peine articulé en vous tendant un récépissé pourtant important. Par contre, quand votre accompagnateur s'approche, chaudement vêtu de sa veste aux couleurs du bureau berlinois de Wargaming, le visage du douanier se détend, une lueur de vie ranime les yeux et la bouche articule un "Ho, Wargaming ?" que vient ponctuer un sourire sur la bouche du fonctionnaire désespéré qui vous a fait la gueule pendant les deux minutes d'intense scrutation de vos papiers. Un échange s'installerait presque, le Russe chantant les louanges de World of Tanks avec force "Good Game World of Tanks" et l'allemand ressortant son plus beau спасибо.

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Cette impression d'une popularité incroyable fut clairement renforcée sur la convention en elle-même, car ce sont véritablement des familles entières qui ont fait le déplacement, et, à l'inverse de conventions comme la Paris Games Week ou la gamescom, ce n'était pas seulement pour faire plaisir au petit dernier, mais bien pour le plaisir des plus vieux comme des plus jeunes. Et c'est loin d'être une affaire exclusivement masculine : je pense que les cris d'une jeune femme qui venait de battre son mari dans le cadre d'un essai de la nouvelle mouture graphique de World of Tanks résonne encore dans le palais des expositions privatisé par Wargaming. Le public était bien moins majoritairement masculin que je ne l'avais, certains diront très sexistement, imaginé initialement.

Une convention aux allures de parc d'attractions

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Nos hôtes avaient vraiment tout prévu pour offrir des activités à leurs fans de tous âges : des aires de jeu attendaient avec toboggans, structures gonflables, piscines à balles et tanks télécommandés les plus petits, les demoiselles qui le souhaitaient pouvaient se faire coiffer et maquiller gratuitement sur un stand qui pouvait aussi affubler ces messieurs d'un maquillage de camouflage si l'envie leur en prenait. De nombreuses zones de repos étaient à disposition des plus âgés, comme par exemple ce vieux soldat (dont je ne saurais jamais si c'était un acteur ou non) accompagné de son petit-fils, qui racontait ses exploits aux commandes d'un char en Afghanistan à la fin des années 80 devant des adolescents russes qui buvaient ses paroles.

Pas moins de 20 000 tickets étaient disponibles à la vente, et il a fallu à peine quelques heures pour qu'ils trouvent preneurs. Et il faut dire que les organisateurs avaient mis l'eau à la bouche des fans en leur promettant un show qui allierait passion de l'eSport et pop culture.

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En effet, tout au long de cette journée entièrement dédiée à la gloire de Wargaming, tout a été fait pour assurer le show en permanence. Entre des finales de tournois mondiaux sur deux de leurs jeux, Blitz et World of Tanks, qui ont vu se rassembler plusieurs milliers de fans devant la scène pour vibrer avec leurs idoles, la scène était laissée à des stars de la scène musicale russe, dont la Bjork locale Yolka, le groupe de rap Kasta ou les rockeurs de Bi-2, tous acclamés par des foules parfois en transe (certaines demoiselles semblaient littéralement flotter au premier rang du concert de Yolka).

La pop culture internationale s'est aussi faite sa place grâce aux conséquents moyens déployés par Wargaming pour la promotion de ses produits et notamment de sa dernière mise à jour de World of Tanks dédiée aux chars suédois. Au cours des différentes présentations, on insistait sur le fait qu'il ne fallait pas sous-estimer les chars suédois, que c'était des merveilles d'ingénierie parfaitement adaptés à leur environnement difficile et tout à fait aptes à faire face à des agressions extérieures en cas de besoin. Et les Biélorusses n'ont rien trouvé de mieux que d'aller chercher la seule icône suédoise qui soit en mesure de parler de tanks, j'ai nommé... Dolph Lundgren. Non, contrairement à ce que vous pensiez, il n'était pas russe, comme vous auriez pu le croire suite à son apparition dans la saga des Rocky ou plus récemment dans la série Arrow, et non, il n'est pas allemand, même si un bon nombre de ses rôles lui demandait d'incarner un personnage au fort accent teuton.

Non, Dolph Lundgren est bien suédois et s'est avéré particulièrement apte à remplir son rôle d'ambassadeur de la Suède dans l'univers de World of Tanks. Celui qui a incarné des icônes comme Musclor ou le Punisher à l'écran est en effet bien loin d'être la montagne de muscles simplette qu'on envisage au regard de certaines sorties de ses acolytes des Expendables notamment puisqu'il a obtenu plusieurs diplômes avancés dans des domaines aussi pointus que la chimie, mais il a aussi servi dans l'armée, comme tout Suédois, pendant un an et a passé une bonne partie de cette année autour de chars suédois déployés en Europe. Rajoutez à ça des années de tournage dans des films d'action qui impliquaient souvent des véhicules blindés : le bonhomme sait de quoi il parle pour ce qui est des chars, du moins.

Une conférence de presse d'un autre monde ou d'un autre temps

Le premier contact que nous avons eu avec la star holywoodienne fut la conférence de presse, organisée en russe et doublée par une excellente traduction simultanée. Cette conférence de presse a vu s'enchaîner les différents produits du line-up de Wargaming, avec les nouveautés de chacun des jeux ou les premières présentations à la presse russe de certains autres. Et malgré le relatif intérêt des informations présentées pour une presse plus généraliste que JeuxOnLine, je pense que je n'avais pas assisté à un tel cringe fest (comprendre un long événement rempli de moments qui vous font rire jaune ou qui vous mettent mal à l'aise) depuis la conférence extrêêêêêême de Konami ou le fameux "Ridge Racer" de Kaz Hirai à l'E3. Entre effets de manches qui tombent à l'eau, des grosses annonces qui n'en sont pas, des interventions plus que sexistes et une "presse" russe embarrassante pour les hôtes de l'événement, je dois avouer avoir échangé quelques facepalms avec mes collègues de la presse anglaise assis juste devant moi pendant cette petite heure. Je vais revenir sur deux points qui m'ont particulièrement interloqué, l'un par son aspect humoristique pour un journaliste jeux vidéo, l'autre parce qu'elle m'a fait grincer des dents.

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Dolph Lundgren arrive sur scène. Il est ambassadeur du jeu depuis deux semaines, lit son petit papier pour dire ce qu'il a à dire, parle un peu en russe pour faire hurler la foule, il fait son taff, tout en étant honnête sur son intérêt nouveau et très relatif pour le jeu. C'est d'ailleurs rafraîchissant d'avoir pour une fois un ambassadeur qui ne se survend pas. On est dans le cadre d'une conférence de presse et comme dans toute conférence de presse, arrive le moment où les journalistes ont le droit de poser des questions à leur interlocuteur. Et c'est là que la catastrophe commence. On passera outre, en français bien conscient des limites de son propre pays dans le domaine des langues étrangères, l'accent anglais que même l'épée de Musclor ne saurait couper qui rendait le dialogue difficile, mais le contenu des questions ou demandes laissait la plupart du temps à désirer. Si la première "Quel est votre tank favori ?" a amené une réponse très pointue de la part de l'acteur (fort de son expérience des films d'action), le reste fut une avalanche de grand n'importe quoi (multipliant les interrogations, en vrac, sur son opinion sur les Sims 3 quelques minutes après l'avoir entendu expliquer que World of Tanks est son premier jeu ou lui demandant simplement de répéter quelques-unes de ses répliques emblématiques).

On l'a compris, l'événement est un show familial et on comprend dès lors la volonté du studio de s'appuyer sur une star internationale pour attirer à la fois la presse et les visiteurs. On comprend tout autant qu'au regard de la notoriété du studio en Russie, l'événement puisse attirer une presse généraliste maîtrisant mal les arcanes des produits du développeur et qu'à ce titre, le comédien représente une attraction salutaire. On regrettera néanmoins pour la presse spécialisée, et pour les joueurs, que la conférence ait été tant articulée autour d'un « personnage » peu à même d'évoquer les jeux et leur contenu.

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Un autre élément m'a particulièrement choqué dans cette conférence de presse : l'absence totale de respect pour la gente féminine de la part du présentateur. On sait les conventions russes souvent très enclines au sexisme (au moins, maintenant, les exposants ont obligation d'habiller intégralement leurs hôtesses dans le cadre des conventions ouvertes aux familles, ce qui n'était pas le cas il y a encore quelques années) et je commente ceci de mon point de vue de journaliste français, pas forcément féministe mais clairement conscient de ce qui peut être considéré comme une insulte ou un manque de respect par la gente féminine, a fortiori parce qu'il lui revient de tester tous les jeux un peu pervers reçus par la rédaction.
Une seule des présentations de la conférence fut confiée à une femme, celle dédiée à World of Tanks Blitz, la variante mobile du fameux jeu de Wargaming, censément un des jeux les plus importants du jour puisque juste avant la conférence avait lieu la finale d'un tournoi mondial disputé sur ce jeu. Elle monte sur scène, fait le taff, présente son produit et ses futures nouveautés avec l'arrivée de chars français, descend de scène sous les applaudissements.

Le présentateur monte sur scène, lit ses notes et se fend d'un commentaire qu'on nous a traduit dans ces termes "Merci mademoiselle. Messieurs, je pense que vous allez vouloir son téléphone, et pas seulement pour jouer à Blitz". Non. Juste, non. Tu étais si proche de faire une remarque simplement rigolote, pourquoi a-t'il fallu que tu t'enterres dans un humour graveleux et tellement inutile ?

On a eu le droit à des remarques similaires quand un des producteurs de World of Warships est arrivé en mode maquereau avec une hôtesse à chaque bras, et c'est vraiment, vraiment dommage, car sur ce plan, l'ensemble de la convention était bien plus civilisé que ce à quoi je m'attendais après avoir vu les excès et dérives des stands et soirées Wargaming pendant les dernières gamescom. Mais le pire est que le présentateur de la conférence remet le couvert avec une blague bien graveleuse quand le fameux producteur est sorti de scène, et que l'idiot à qui je ne sais quel bien-pensant avait cru juger bon de confier un micro devant la presse internationale se fend d'un "Holala, tu avais beaucoup à dire, tu manquais aux filles, je les ai gardées au chaud pour toi". Sans commentaire.

Ca passe peut-être en Russie, je n'en sais rien, mais je pense que dans n'importe quel événement international, ce mec aurait valu à sa boîte d'être clouée au piloris, à l'image de Microsoft et de ses danseuses sur la dernière GDC. Le pire étant que le fameux présentateur en question, Ivan Zhivitsa de son petit nom, est quand même censé être un porte-parole de Wargaming, puisque de ce que j'ai pu trouver sur le net, il a travaillé dans leur service relations presse et est présenté comme représentant officiel sur pas mal de sites, et pas seulement russophones.

 

Mais cette conférence de presse fut malgré tout surtout l'occasion pour Wargaming de rappeler sa force en martelant nombres et partenariats : ils vont sortir un bundle PS4 World of Tanks, ils ont un avion World of Tanks, ils ont des forfaits mobiles Wargaming, bon sang, ils ont même un SUV Wargaming, commercialisé en Russie pour la modique somme de 18 000 euros.

Une grosse fête dans une bonne ambiance

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Cette « Blizzcon » au parfum russe fut honnêtement un succès. Du point de vue des visiteurs, tout semblait organisé à la perfection. Ou alors, c'est le standard russe et nous devrions tous en être jaloux. Pas une anicroche, pas vraiment de retards, des animations pour tous les goûts et des queues pas forcément interminables. Si l'on peut peut-être pointer du doigt un défaut dans la machine Wargaming, c'est peut-être un manque d'ouverture et un géocentrisme inconscient, comme bon nombre d'autres sociétés du milieu, comme par exemple pour rester dans l'actualité, Hi-Rez Studios qui n'est pas parvenu en trois ans à sortir de sa ville d'Atlanta ou même à changer de bâtiment pour son championnat du monde de SMITE qui est pourtant devenu une Hi-Rez Expo, et à l'inverse de sociétés comme Riot Games qui ont des moyens plus ou moins équivalents et qui délocalisent leurs événements aux quatre coins du monde pour en faire profiter l'ensemble de leur communauté.

Ce premier WG Fest était organisé à Moscou, en Russie, toute la communication ou presque a été faite en russe, le site officiel de l'événement permettant de réserver ses tickets n'était disponible qu'en russe et sur place, tous les panneaux étaient uniquement écrits en cyrillique. Une des principales révélations de la convention fut l'annonce du championnat du monde de WOT qui aura lieu cette année... à Moscou, après avoir eu lieu à Varsovie pour sa dernière édition. On reste donc très ancré à l’est.

Et c'est sans doute significatif de la démographie des jeux de Wargaming : la communauté du jeu est principalement russe ou originaire d'un pays de la CEI et les choix du groupe se justifient d'un point de vue stratégique (meilleure connaissance des partenaires, meilleur gestion des contretemps avec les ressources à disposition directement sur place). Mais quand bien même l'événement s'adressait essentiellement aux acteurs locaux (un public russe et très peu de médias occidentaux étaient invités), ce WG Fest fait à l'évidence peu de cas des Occidentaux.

Des annonces et des promesses, malgré tout

Pour ce qui est de l’actu des jeux à proprement parler, on peut revenir brièvement sur les principales annonces pour les différents titres, mais rien de vraiment exceptionnel :

  • BZN 1573

    Wargaming Labs a annoncé un partenariat avec 1c Game Studios (les développeurs de IL-2 Sturmovik) pour le développement et l’exploitation d’un jeu pour l’instant exclusif à la CEI, baptisé Caliber, un TPS au parfum de Rainbow Six Siege, avec des missions PvE et des combats PvP, et complètement free-to-play sans réel avantage dans la boutique ;

  • World of Warships verra débarquer en 2017 plus de destroyers soviétiques, des nouvelles fonctions de clan et l’ajout de nouveaux capitaines avec des pouvoirs spéciaux (au premier rang desquels Steven Seagal) ou encore un mode escorte ;
  • World of Tanks Blitz continuera ses mises à jour régulières en 2017 en ajoutant, après les chars suédois, de nouveaux chars français et l'équipe fera un effort tout particulier pour répondre à la demande sans cesse grandissante des joueurs pour des fonctionnalités supplémentaires en PvP ou pour la dimension eSports du jeu, avec une amélioration du système PvP, des tournois réguliers, quotidiens ou hebdomadaires ;
  • World of Tanks ne verra pas ses prix augmenter en 2017 et lancera un tournoi en partenariat avec l'armée russe, baptisé We Remember Everything. Cette année sera principalement axée sur la poursuite des efforts sur l'amélioration du jeu, que ce soit en termes de prise en main (avec une meilleure gestion de la physique pour rendre certaines esquives possibles), des bruitages et une ambiance sonore plus immersive et spectaculaire, l'augmentation de 30% des FPS. Une amélioration des graphismes du client, visible dans la vidéo qui suit, était d'ailleurs testable dès son annonce dans la conférence sur les bornes de démonstration du festival ;
  • Bizarrement, World of Warplanes était absent de toutes ces annonces et on n'a pas su (ou voulu) vraiment me dire pourquoi, que ce soit sur place ou après l'événement (on imagine que le concurrent direct des World of, War Thunder, dont le principal objet est précisément les affrontements aériens, n'y est pas pour rien) ;
  • Total War Arena, le bébé de Creative Studios édité par Wargaming Alliance, avait lui aussi une place de choix, mais sans annonce fracassante le concernant au cours de ce WG Fest, qui était manifestement davantage l'occasion d'un premier contact avec la communauté de WoT pour ce jeu de stratégie occidental.

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