L'état de la scène sud-américaine, entretien avec Namax

Le tour d'horizon des différentes scènes avant le Major de Boston se poursuit en regardant la seule scène qui n'aura aucun représentant dans le tournoi.

Avant le Major de Boston, une série d'entretiens avec des connaisseurs des différentes scènes nous permettra de faire le point sur l'état actuel (mais aussi, parfois, sur l'historique) des différentes régions compétitives. Dans les épisodes précédents :


Peux-tu te présenter rapidement et expliquer pourquoi tu regardes (même de loin) la scène sud-américaine ?

Je m'appelle Max, j'ai 26 ans, je joue à Dota depuis une dizaine d'années. Streamer Dota 2 et casteur intérimaire pour la FTV. Je ne m'intéresse pas plus que ça à la scène sud-américaine mais ça m'arrive de regarder des matchs de la scène américaine car les horaires correspondent à l'heure où je me couche et j'aime bien regarder un stream à ce moment-là. Plus une question d'horaires que de passion, donc.

 

Dans quel état cette scène se trouve-t-elle aujourd'hui ?

C'est une scène un peu compliquée car concentrée sur quelques pays – Pérou, Brésil, Argentine. Pour le reste, la scène n'existe pas, le Mexique c'est un peu au niveau de la France. Les serveurs sont pas oufissimes, les serveurs sont au Pérou et il y a un grosse distance pour les autres pays, avec des connexions pas folles. Il y a peu de tournois, c'est une scène très critiquée par les Nord-Américains (les Péruviens sont leurs Russes à eux...), qui a peu de places dans les tournois. Ils doivent toujours jouer les qualifications sur les serveurs nord-américains avec tous les problèmes de lag qui peuvent se poser.

 

Il est très rare que l'on croise une équipe sud-américaine dans les LANs majeures, et elles n'y ont jamais fait de bons résultats. A quoi cela tient-il d'après toi ?

Le problème est un peu le même qu'en France : pas de base des joueurs, pas de structures, rien qui n'est vraiment fait pour ces scènes. Du coup c'est le serpent qui se mord la queue, les joueurs ne peuvent pas s'investir à temps plein dans Dota pour devenir des joueurs pro, donc il n'y a pas de structures qui s'intéressent au jeu pour trouver des joueurs, etc.

Il faut aussi savoir que sur LoL, il y avait une place pour les équipes sud-américaines aux Worlds, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent sur Dota 2 (qui ne distinguait pas Nord et Sud). Du coup ça a peut-être incité des structures à se tourner vers LoL plutôt que vers Dota 2, puisqu'elles y ont de l'argent assuré.

Lors du Major de Francfort, Unknown.xiu (Pérou) a remporté un seul match, dans le Lower Bracket des Playoffs contre NewBee ; cela lui a permis de finir 9-12ème du tournoi...

On a vu une seule fois une équipe de cette scène sur un tournoi Valve, Unknown.xiu au Major de Francfort. Elite Wolves avait aussi bien géré le Qualifier pour ce Major. Est-ce que l'automne 2015 était le pic des équipes sud-américaines ?

En termes de résultat, peut-être, mais la scène se développe beaucoup en ce moment : il y a beaucoup d'équipes qui tentent des choses désormais, on l'a vu dans le Qualifier pour Boston. A une époque il n'y avait vraiment que le Pérou, maintenant on voit davantage d'équipes brésiliennes qui arrivent sur la scène et qui font de petits résultats. C'est globalement de mieux en mieux en Amérique du Sud, il y a des équipes comme Vultur, NoT Today, Infamous, Elite Wolves, Pichau... Ce sont des petites teams qui avancent gentiment, des petites scènes qui se mettent en place nationalement. Il y a aussi des petits tournois, par exemple au Brésil ou assez fréquemment au Pérou. Ce qui est difficile, c'est de sortir de son microcosme pour aller plus loin.

 

La scène sud-américaine est largement dominée par le Pérou depuis longtemps. Les rares équipes ou joueurs que l'on connaît un peu sont péruviens (Elite Wolves, Unknown, Not Today, SmasH...). A quoi cela tient-il ?

Pour moi il y a deux raisons principales. C'est la scène la plus prolifique, on peut presque la comparer à celle de l'Asie du Sud-Est : un énorme vivier de joueurs, le jeu est plébiscité au Pérou comme en Philippines, je ne sais pas vraiment pourquoi d'ailleurs. Mon avis personnel c'est que DotA a été le seul MOBA qui marchait là-bas, les PC ne permettaient pas de faire tourner LoL quand le jeu est sorti, du coup les joueurs ont switch directement de DotA à Dota 2 quand ils en ont eu les moyens. De plus pendant longtemps il n'y avait pas de serveurs sud-américains et les Péruviens pouvaient plus facilement que les autres jouer sur les serveurs de la côte ouest des USA.

 

Dans le Qualifier pour Boston se trouvait aussi une équipe brésilienne, Kingao+4 (ex-PaiN Gaming, devenue depuis SG eSports), et il y a l'air d'y avoir de plus en plus de petites équipes au Brésil. Y vois-tu l'émergence d'une scène concurrente du Pérou ?

Je crois que oui. Au Brésil il y a un vivier de joueurs important, avec une vaste population et à mon avis beaucoup de monde qui joue (sur LoL aussi, d'ailleurs). Comme il y a de plus en plus d'ouvertures faites par Valve en direction de l'Amérique du Sud, on risque d'entendre parler de plus en plus d'équipes brésiliennes, au moins autant que des équipes péruviennes.

 

Que ce soit au Pérou ou au Brésil, les équipes tournent énormément, les joueurs passent d'une équipe à l'autre sans cesse, et les noms de team changent d'un mois sur l'autre. Comment expliquerais-tu cette instabilité ?

C'est comme partout je pense, les joueurs changent tout le temps d'équipe. Là où il n'y a pas de structure, la scène est peu structurée, donc forcément il y a beaucoup de variations, pas de gros noms qui fédèrent des noyaux de joueurs autour d'eux. Comme ce ne sont pas des équipes Tier 1, elles se moquent des règles de stabilité de Valve, c'est la foire à l'empoigne. La scène sud-américaine est juste un peu en retard par rapport aux autres, elle connaît aujourd'hui une situation qui était en fait courante partout ailleurs il y a deux-trois ans.

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En 2014-2015, NoT Today (Pérou) avait pu participer à quelques tournois internationaux.

Infamous, Elite Wolves, NoT Today, T Show, Pichau, Vultur, SG e-sports : ce sont les équipes majeures de la scène sud-américaine actuelle. Certaines te paraissent sortir du lot en termes de potentiel ?

Je dirais que non. Pour moi c'est une scène qui a d'excellents joueurs mais qui n'a pas réussi à les assembler pour créer une équipe effrayante au-delà du microcosme de la scène sud-américaine. Parmi ces bons joueurs, KINGRD, SmasH... Mais ces joueurs n'arrivent jamais à se mettre ensemble dans la même équipe. En plus ces équipes sont toujours mono-pays, cinq Péruviens, cinq Argentins, cinq Brésiliens, ils n'essaient jamais de faire fonctionner ça en prenant les meilleurs éléments de chaque pays pour faire quelque chose. Ca arrivera peut-être...

 

Penses-tu que certaines en mesure de ne pas être ridicules face à des équipes T1-T2 monde ?

Si on part du principe que le Tier 2 c'est tout ce qui n'est pas invité à un tournoi Valve, il y a moyen. Une équipe comme Infamous, par exemple, peut tenir tête à d'autres. Par contre, il n'y a pas moyen d'accrocher le T1 : on a des joueurs qui ont le potentiel pour le faire, mais pas d'équipe Tier 1 pour le concrétiser.

 

Valve a décidé de séparer le Qualifier NA et SA pour le prochain Major. Est-ce une bonne chose pour les équipes sud-américaines et est-ce une bonne chose pour le prochain Major ?

C'est définitivement une bonne chose pour les équipes SA : ça veut dire que les joueurs pourront jouer sur des serveurs plus proches, dans de meilleures conditions. Ca devrait conduire à une revitalisation de la scène, avec une place garantie, ça favorisera l'investissement des équipes.

Est-ce une bonne chose pour le Major... je ne sais pas trop. Ca sera sans doute bon à terme car l'ouverture de nouvelles scènes apporte toujours des choses. Mais j'ai quand même peur que l'équipe qualifiée se fasse railler et soit la risée de tout le monde en mode « bien joué Valve, regardez, ce sont les derniers du tournoi ». J'aimerais bien que les gens se trompent et que l'équipe qualifiée fasse une petite perf, pour montrer qu'il faut s'intéresser à toutes les scènes.

 

De quoi la scène a-t-elle besoin pour se développer selon toi ?

Que les différents joueurs des différents pays se tendent la main pour travailler ensemble, afin de faire grandir la scène en son ensemble, pas pays par pays. C'est le problème de cette scène. En Amérique du Nord, les joueurs US et Canadiens bossent ensemble, avec des joueurs européens, alors qu'au Sud personne ne joue avec les autres. Il y a eu vite fait DemoN qui est venu jouer dans une équipe péruvienne, c'est tout. Les mecs jouent tout le temps entre eux, mais c'est pas ça qui fera évoluer la scène et qui permettra de faire progresser les équipes.

C'est pas un problème linguistique, c'est qu'il y a vraiment une rivalité des différentes communautés entre elles, le Brésil contre le Pérou notamment. Dès qu'il y a des projets de ligue sud-américaine, ils meurent le mois d'après parce que les mecs se rejettent entre pays. Il est par exemple impossible de s'inscrire à un tournoi brésilien si la line-up n'est pas entièrement brésilienne. Et puis tout le monde crache sur le Pérou, même au-delà de l'Amérique du Sud, aussi au Nord. Bref, c'est un peu l'horreur.

Namax en cast lors de TI6FR

Quittons la scène SA.Au Major de Boston, qui soutiendras-tu ?

Euuuuuuuuuuuuh... EG parce que je soutiens Cr1t-, c'est juste ça. Je n'ai jamais particulièrement aimé des équipes pour elles-mêmes, par contre je suis un fangay de certains joueurs, et là on a mon offlaner et un de mes supports préférés. C'est la seule équipe qui contient deux de mes joueurs préférés, donc c'est EG que je vais soutenir.

 

Et quelles équipes te semblent partir favorites ?

Virtus Pro, EG, Wings, dans cet ordre-là, ça a son importance.


Cette actualité provient de notre univers Dota 2.

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