Des « jeux patriotiques » pour redorer la mémoire militaire russe

Le jeu vidéo est aujourd'hui la première industrie culturelle occidentale et peut donc servir de vecteur pour véhiculer certaines idéologies. Le gouvernement entend produire des jeux patriotiques et lutter contre l'image délétère de l'armée russe dans les jeux vidéo.

Le jeu vidéo est aujourd'hui la première industrie culturelle en termes de chiffre d'affaires en Occident et comme tout produit culturel, les jeux vidéo et leur contenu contribuent donc à orienter le rayonnement international d'un pays - c'est le principe théorisé par Joseph Nye, définissant le soft power comme la capacité d'un Etat à augmenter sa sphère d'influence par sa culture plus que par ses moyens coercitifs.
La Chine l'a compris depuis bien longtemps, promouvant les jeux patriotiques (devant encourager les comportements positifs) et contrôlant strictement les jeux étrangers distribués sur son territoire (via la GAPP et le ministère de la culture). La Russie fait mine de le découvrir aujourd'hui.

Company of Heroes 2
Company of Heroes 2

À en croire Hollywood Reporter qui se fait l'écho d'un entretien de Vladimir Medinsky (ministre de la culture russe) accordé au quotidien Izvestiya, le gouvernement russe entend redorer l'image de la « glorieuse Russie » dans le jeu vidéo. Le positionnement du gouvernement fait notamment suite au lancement de Company of Heroes 2 sur le territoire russe, dépeignant une armée soviétique de la Seconde guerre mondiale aux allures de criminels de guerre. Quelque 19 000 joueurs russes patriotes auraient signé une pétition pour en obtenir l'interdiction et Vladimir Medinsky se saisit de la question.
Selon le ministre, « l'essentiel qu'on attend de producteurs de jeux vidéo est de retranscrire une vérité historique et un certain réalisme dans la représentation des événements », manifestement choqué de « l'image négative des combattants russes » véhiculée par l'industrie du jeu vidéo (occidentale). Et de renchérir : « un jeu vidéo ne doit pas seulement afficher des valeurs ludiques, il doit aussi enseigner et contribuer à l'éducation patriotique ».
On n'est pas tout à fait sûr que vérité historique (objective) et velléité patriotique (subjective) soient réellement compatibles scientifiquement, mais pour mettre son discours en pratique, le ministre Medinsky vient de mandater la Société d'histoire militaire russe (dont il est accessoirement aussi le dirigeant) afin qu'elle réalise un jeu patriotique mettant en scène les hauts faits de l'aviation russe durant la Première guerre mondiale (le jeu est attendu l'année prochaine). Et pour aller plus loin, le gouvernement russe envisage aussi de subventionner la réalisation de « jeux patriotiques », voire d'interdire d'exploitation les jeux importés « discréditant les soldats russes » et présentant « une vision trompeuse de faits historiques ».

Traditionnellement, on sait que les réalités économiques s'accommodent mal des volontés idéologiques (les jeux patriotiques sont souvent boudés par les joueurs et inversement, les titres les plus populaires - comme GTA V en ce moment - sont aussi souvent les plus critiques à l'égard de canons sociétaux actuels). Pour autant, l'initiative du gouvernement russe démontre sans doute aussi l'intérêt croissant que la sphère politique accorde à l'industrie vidéo ludique.

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