Jouer sans contrainte, un droit constitutionnel en Corée ?

Dès le 20 novembre prochain, les jeunes joueurs sud-coréens n'auront plus le droit de jouer la nuit aux MMO. À moins que la Cour constitutionnelle locale ne leur donne raison et considère que le droit de jouer sans contrainte est une liberté fondamentale.

Drapeau de la Corée du Sud

Nous l'abordions il y a déjà quelques mois, en avril dernier, les parlementaires sud-coréens ont adopté une loi imposant aux exploitants de jeux en ligne et MMO de mettre en place des mécanismes automatiques empêchant les joueurs de moins de 16 ans de jouer entre minuit et six heures du matin.
Le texte était diversement apprécié par les exploitants de jeux (qui arguent notamment que la loi soulève des problématiques techniques, et alors que les décrets d'application se font attendre), mais la disposition doit néanmoins entrer en vigueur le 20 novembre prochain. Sauf si le droit de jouer sans contraintes horaires relève d'une liberté constitutionnelle en Corée - où le jeu est une affaire sérieuse.

C'est ce que défend un collectif de joueurs de moins de 16 ans et leurs parents, estimant que la loi est inconstitutionnelle et qui viennent de déposer un recours en ce sens devant la plus haute juridiction de Séoul. Outre que la constitution sud-coréenne considère le droit au bonheur comme un principe fondamental et qu'une interdiction de jouer même partielle le violerait, le collectif s'appuie trois différents points de droit.
D'abord, la loi imposerait une restriction « sans fondement raisonnable ». Autant l'interdiction aux mineurs de consommer du tabac ou de l'alcool s'appuie sur des bases de santé publique scientifiquement démontrées, autant la dangerosité du jeu vidéo ne peut être évaluée scientifiquement. Limiter le droit de jouer serait donc sans fondement.
Le collectif souligne ensuite une incohérence du texte qui ne vise que le jeu en ligne et non les jeux solos ou les jeux consoles. Si ne pas jouer la nuit répond à des impératifs de santé publique, le texte devrait s'appliquer à l'ensemble des jeux, quelle que soit leur forme.
Enfin et c'est manifestement le point le important, le collectif argue que le texte pose une « rupture d'égalité » entre joueurs mineurs et joueurs majeurs, ayant des velléités de faire du jeu vidéo une profession. Les pro gamers majeurs auraient la possibilité de s'entrainer plus intensément que les pro gamers mineurs, contraints de se déconnecter la nuit (et en ce sens, le collectif s'appuie sur la jurisprudence de la Cour constitutionnelle sud-coréenne qui donnait raison en 1999 aux joueurs professionnels mineurs de billard, jusqu'alors considéré comme un jeu pour adulte, qui n'étaient pas traités comme les joueurs majeurs du même sport et réclamaient le droit de s'entraîner comme les grands)...

Au-delà des arguments juridiques évoqués, le collectif sud-coréen souligne surtout l'inefficacité d'un texte purement coercitif, mais qui ne prend pas en considération les causes du jeu excessif ou nocturne chez les plus jeunes.
Et la presse locale de rappeler que d'ici janvier prochain, les joueurs sud-coréens se jugeant eux-mêmes dépendants auront la possibilité de se faire interdire l'accès aux jeux en ligne, manuellement et individuellement (tout comme en Occident, un joueur de casino peut se faire interdire l'accès aux établissements de jeux d'argent). Saperlotte !

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